DUP et arrêté de cessibilité

Par un arrêt du 14 juin 2024 (n° 475559), le Conseil d’Etat estime que le juge administratif ne peut surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, invoqué par voie d’exception, affectant la DUP sur le fondement de laquelle a été pris l’arrêté litigieux lorsqu’il est saisi de la contestation d’un arrêté de cessibilité

Le Conseil d’Etat rappelle que lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre un acte déclarant d’utilité publique et urgents des travaux et qu’il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Il doit cependant avoir invité les parties à présenter leurs observations au préalable.

Mais le Conseil d’Etat précise que tel n’est pas le cas lorsqu’un vice, affectant l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel cet arrêté de cessibilité, est invoqué par voie d’exception, à l’appui de conclusions dirigées contre un arrêté de cessibilité.

Dans cette hypothèse, un tel vice est insusceptible d’être régularisé dans le cadre du recours dirigé contre l’arrêté de cessibilité.


(CE, 14 juin 2024, n°475559)

Désormais, le cachet de la poste fait foi

Jusqu’à présent, un recours contentieux adressé à la juridiction administrative par voie postale devait être parvenu à cette dernière avant la fin du délai de recours.

Par sa décision en date du 13 mai 2024, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence. En effet, il a posé le principe selon lequel il suffira, désormais, que le recours contentieux soit posté avant l’expiration du délai de recours.

Cette décision permet d’harmoniser les règles pour les citoyens en cas de saisine de l’administration ou d’une juridiction administrative.

(CE, 13 mai 2024, n°466541, publié au recueil Lebon)

Permis de construire : pas de régularisation en cas de fraude

Le juge administratif ne peut faire application des dispositions des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme si l’autorisation a été obtenue par fraude (CE, 11 mars 2024, n°464257)

Le code de l’urbanisme prévoit la possibilité pour le juge administratif, d’une part, s’il est saisi d’un recours en annulation en ce sens, de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme et de prévoir sa régularisation (article L. 600-5 du code de l’urbanisme), et, d’autre part, il peut également surseoir à statuer et engager la régularisation de l’autorisation litigieuse en cours d’instance (article L.600-5-1 du code de l’urbanisme).

Toutefois, dans son arrêt en date du 11 mars 2024, le Conseil d’État précise que le juge administratif ne peut pas engager, sur le fondement des dispositions précitées, la régularisation d’une autorisation d’urbanisme lorsque celle-ci a été obtenue par fraude.

(CE, 11 mars 2024, n°464257)

Autorisation environnementale office du juge

Le juge ne peut pas simultanément prononcer un sursis à statuer en vue de la régularisation du vice d’une autorisation environnementale et limiter la portée ou les effets de l’annulation (CE, 8 mars 2024, n°463249)

Le Conseil d’État pose le principe, en application des dispositions de l’article L.181-18 du code de l’environnement que le juge de l’autorisation environnementale peut, lorsqu’il constate que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, d’une part, surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, ou, d’autre part, limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction.

Ces deux possibilités ne sont pas cumulatives mais alternatives.

(CE, 8 mars 2024, n°463249)

Précisions sur la régularisation des autorisations d’urbanisme

Le Conseil d’État apporte des précisions sur l’office du juge administratif lorsqu’il met en œuvre les article L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme (CE, 11 mars 2024, n°463413)

Le Conseil d’État pose le principe selon lequel un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé dans les conditions qu’elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

Le Conseil d’État a donc jugé que la cour administrative d’appel de Paris avait commis une erreur de droit en fondant son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d’en revoir, le cas échéant, l’économie générale sans en changer la nature, la cour a commis une erreur de droit.

(CE, 11 mars 2024, n°463413)

Impartialité de la juridiction administrative

Le Conseil d’Etat conserve une interprétation souple de l’impartialité du juge.

Il estime que qu’il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe général du droit que la composition d’une formation de jugement statuant définitivement sur un litige doive être distincte de celle ayant décidé, dans le cadre de ce même litige, de surseoir à statuer par une décision avant dire droit dans l’attente d’une mesure de régularisation en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

 

(CE, 17 janvier 2024, n°462638, mentionné aux Tables du Recueil Lebon)

Pièces complémentaires et permis de construire tacite

L’auteur d’une demande de permis de construire peut apporter, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications à son projet qui n’en changent pas la nature.

Les pièces nouvelles sont alors intégrées à son dossier afin que la décision finale porte sur le projet modifié.

En conséquence, dans un arrêt du 1er décembre 2023 (n° 448905), le Conseil d’Etat estime que le pétitionnaire qui dépose spontanément des pièces complémentaires qui ne changent pas la nature de son projet, est en mesure, de se prévaloir d’un permis de construire tacite à l’issue du délai initialement notifié par l’autorité compétente.

 

(CE, 1er décembre 2023, n°448905)

Autorisations environnementales : notification

Depuis le 1er janvier 2024, les requérants doivent notifier leurs recours contre une autorisation environnementale auprès des auteurs et des bénéficiaires de la décision dans un délai de 15 jours.

Les articles R. 181-50 et R. 181-51 du Code de l’environnement sont ainsi modifiés et précisent les conditions dans lesquelles cette double notification devra être réalisée.

D’une part, cette obligation, relative aux recours administratifs et contentieux, est relative à la contestation d’une autorisation environnementale, à celle d’un arrêté fixant une ou plusieurs prescriptions complémentaires ou à une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle autorisation ou un tel arrêté. Les décisions refusant de retirer ou d’abroger une autorisation environnementale ou un arrêté complémentaire sont également concernées.

D’autre part, la notification doit être effectuée par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter de la date d’envoi du recours administratif ou du dépôt du recours contentieux auprès de la juridiction.

 

Décret n°2023-1103 du 27 novembre 2023 relatif à la notification des recours en matière d’autorisations environnementales

Succession de requêtes en référé-suspension

Le maire d’une commune avait pris un arrêté interruptif de travaux sur le fondement des dispositions de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme.

Le Conseil d’Etat (CE, 22 septembre 2023, req. n°472210) rappelle que la circonstance que le juge des référés ait rejeté une première demande de suspension, présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, ne fait pas obstacle à ce que le même requérant saisisse ce juge d’une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu’ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine.

C’est un élément souvent méconnu du référé suspension, qui permet des procédures successives.

Cependant, cela a une influence sur le rôle du jugement de cassation. En effet, le Conseil d’Etat précise que lorsque le requérant fait usage de cette faculté et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l’intervention, postérieurement à l’introduction de ce pourvoi, d’une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n’est pas devenue définitive.

 

CE, 22 septembre 2023, req. n°472210

Démolition d’un ouvrage public mal planté : pas de prescription

Les requérants avaient demandé à la société Enedis de procéder à la dépose d’un pylône implanté sur leur terrain et de leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu’ils estimaient avoir subis. Face au refus de la société, ils avaient saisi le juge administratif.

Au soutien de son pourvoi en cassation, la société Enedis opposait une exception de prescription trentenaire en invoquant des dispositions du code civil.

Dans son arrêt du 27 septembre 2023 (req. n°466321), le Conseil d’Etat précise que, compte tenu des spécificités de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, aucune disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. Un tel moyen était donc inopérant.

Le propriétaire peut donc toujours agir et demander la démolition.

 

CE, 27 septembre 2023, req. n°466321

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